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vendredi 8 février 2013

Du contrat hypocrite de l'exposé




Vous connaissez tous le concept du pacte autobiographique théorisé par Philippe Lejeune.

Non ?

Allez lire Wikipédia, cultivez-vous un peu, et revenez par ici.

Ça y est, vous savez ce qu'est le pacte autobiographique (et vous allez pouvoir briller en société).

Goethe, en homme prudent, avait toutefois déclaré qu'il se méfiait de lui-même, qu'il savait qu'il affabulerait et que son souvenir s'est incrusté d'imaginaire.

En gros, Goethe savait qu'il racontait des cracks, les lecteurs savaient qu'il allait leur raconter des cracks, mais vu que tout le monde s'était mis d'accord pour faire semblant de croire à ce qu'il racontait, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Magique, ce pacte autobiographique.

Il serait pratique en politique tiens. Tout le monde raconte de la merde, mais on fait semblant d'y croire.

Bref. Revenons à nos moutons.

Je soupçonne l'exercice de l'exposé de reposer sur le même genre de principes.

Par exposé, j'entends la présentation d'un texte ou d'un thème plus ou moins en rapport avec le sujet du cours. (Sont exclus de ma démonstration très scientifique, la présentation d'un projet ou de résultats d'enquête, par exemple, qui relèvent d'avantage de l'aboutissement de travaux plus longs.)

Qu'on soit honnête un instant.

Pour l'étudiant malchanceux, il ne s'agit que de lire le texte (ou Wikipédia) en diagonale, en surlignant vaguement quelques idées principales qu'il essayera vainement de transmettre à ses petits camarades endormis.

Ou affamés.

Ou ré-endormis.

Vainement parce que dans ce contrat hypocrite, il est spécifié implicitement que pour un exposé sur un texte (que personne n'a lu) ou sur un thème (auquel personne ne porte le moindre intérêt), la clause «être attentif» se traduit extraordinairement en «les gars, c'est le moment d'aller checker votre facebook» ou «si j'allais tweeter que je m'emmerde» ou encore «je vais regarder fixement celui qui parle et faire semblant de l'écouter pour rêvasser à tout autre chose à la place.»

Qu'on se le dise, l'auditoire a parfaitement conscience de se foutre complètement de ce qui se passe sous ses yeux non-ébahis et l'orateur a également conscience que son auditoire se fout royalement de ce qu'il raconte.
Pour pousser plus loin la démonstration, l'auditoire est également totalement conscient que l'orateur se fout éperdument de ce qu'il raconte et l'orateur se fout effectivement démesurément de ce qu'il raconte. Et il le sait, évidemment.

Si je vous ai perdus, vous aurez au moins fait le plein d'adverbes.

Heureusement que l'étudiant ayant préparé son exposé aura au moins retenu les idées directrices de son sujet, tout n'est pas perdu... Que nenni! Si tôt son exposé terminé, ledit étudiant aura tout oublié, sans même se souvenir de le nom de l'auteur du texte ou du contenu de sa thématique.

Véridique.

Reste celui qui sauve la mise, notre modèle entre tous, le prof.

Ne l'étant pas moi-même (prof), les énoncés suivants ne sont basés que sur mes observations, et non sur ma propre expérience (nous signalons qu'aucun enseignant n'a été mal-traité pour l'écriture de cet article).

Plusieurs cas de figures : 


  • Le prof a effectivement lu le texte qu'il vous a donné, ou a donné ce thème d'exposé si souvent au cours de ces derniers semestres qu'il a une vague idée de quoi ça parle. Il ne vous a pas écouté pour autant. Au mieux, il vous posera des questions sur un point que vous avez déjà abordé. Ne débuter pas votre réponse par «comme je l'ai dit plus tôt...» au risque de vous entendre rétorquer «ce n'était pas clair» ou «vous n'y avez pas passé assez de temps». Personne n'aura remarqué (puisque que personne ne vous a écouté) que vous avez répéter la même chose qu'alors.



  • Le prof n'a pas lu le texte (ou l'a vaguement lu il y a fort longtemps), ou ne connaît rien à la thématique qu'il vous a donné. Rassurez-vous, celui-ci ne vous a pas écouté non plus. Pour tout de même donner au change, il vous posera tout de même une question sur la... dernière minute de votre exposé. Aidez-le en annonçant clairement les formules d'appel «pour conclure» ou «pour finir» qui le tireront de sa torpeur. N'importe quelle réponse grossièrement en rapport avec l'interrogation fera l'affaire.


On n'a malheureusement pu déterminer si la dernière catégorie avait ou non des connaissances sur votre exposé. Il vous aura renvoyer à votre place avec un «bien, merci» (s'il est poli!). Vous a-t-il écouté? Ou a-t-il passé le dernier quart d'heure à hésiter entre Bonduelle et Fleury Michon pour son dîner?

Mystère.

Mais consacrer une partie des séances aux exposés signifient des cours moins long à préparer. Sans compter que cela libère des soirées de correction d'écrits
Alors même si tout le monde s'en fout, et que personne n'aura rien retenu, on est tous d'accord pour continuer à les faire.

Au nom du contrat hypocrite des exposés.

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